mardi 7 avril 2009

La quatrième enquête (feuillet 2)

« Découverte macabre dans une rue du Petit-Montrouge.
– Ce matin, un habitant de la paisible rue de la Paix trouva au pied de sa demeure une tête tranchée. L’homme, Barthélemy Leval, ouvrier à la Glacière, dépose qu’il sortait de chez lui quand il découvrit la tête ; il ajoute qu’il ne la toucha pas. Sa femme, Constance Leval, prise d’étourdissements à la vue de la tête tranchée, ne put aller chercher les agents de police, comme le lui demandait son mari ; elle eut toutes les peines du monde à se remettre de ses émotions : les sels que lui fit sentir un médecin, résidant au premier étage de la même bâtisse, lui permirent de recouvrer ses esprits. C’est ce dernier, Henri Desvenettes, qui se hâta d’apprendre l’horrible nouvelle aux policiers. Un attroupement se forma rapidement au seuil de la maison. Des dizaines de témoins, tous coudoyant pour voir la tête, attestent de l’atrocité avec laquelle cette tête avait été tranchée et mutilée. La police rudoya bon nombre de ces curieux afin de s’enquérir dans le calme des indices laissés par le meurtrier. Bientôt, les habitants de la rue et tous ceux qui, par l’entremise de la rumeur, vinrent sur les lieux, furent repoussés, et les enquêteurs de la police parisienne, dont le concours avait été mandé très tôt, purent ramasser aux côtés de la tête tranchée d’étranges objets fichés en terre, disposés sur le sol sans hasard tant ils semblaient dessiner un singulier tableau. L’ensemble de ce que l’on doit appeler des figurines fut collecté soigneusement et déposé dans des enveloppes scellées. Il fut confié à un homme, portraitiste et anatomiste collaborant souvent avec la police parisienne, la mission de dessiner la tête tranchée. Interrogé par nos soins, Aristide Remagne, dépose que le visage du décapité était cireux ; que l’homme avait les cheveux noirs et longs, ceux-ci couvrant en partie ses oreilles ; qu’il portait une barbe clairsemée et une moustache de même couleur, celle-ci épaisse et peu soignée, et qui tombait en deçà de la lèvre inférieure. Il ajoute que les yeux, ouverts, étaient d’un marron très clair, tendant vers le jaune ; que le nez était fort, de type bourbonien ; et que la bouche, ouverte elle aussi, ne contenait que deux dents – deux incisives supérieures, à la droite de la bouche. M. Remagne précise que le front a été mutilé de telle manière que la peau est échancrée comme une pelure de pomme, et que ce découpage de l’épiderme s’ouvre sur une cavité creusée dans l’os frontal et les méninges. Enfin, il indique que des figurines emplissaient la bouche et la cavité frontale. Au terme de la matinée, la tête, soulevée par le préfet de police G… lui-même, présent auprès de ses agents dès la première heure de l’enquête, fut portée au commissariat central pour être plus amplement examinée. On ne sait encore, ce soir, à qui appartient cette tête. L’horrible mystère reste entier. »

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